L'avis du Conseil scientifique sur le foncier
Laure Casanova

Géographe, maître de conférences à Avignon Université, au sein du laboratoire ESPACE, et co-fondatrice de la Chaire GIF - Geodata, Immobilier, Foncier.
Ses recherches portent sur les liens entre production urbaine et marchés fonciers-immobiliers.
Elle est également co-présidente du Conseil scientifique
Les autres avis du Conseil scientifique
De vraies ambitions sur le foncier, mais au-delà des objectifs chiffrés, l'impératif d'engager collectivement une trajectoire de sobriété foncière
Globalement, le Sraddet modifié répond-il à vos attentes sur le volet foncier ?
La modification du Sraddet présente un niveau inédit d’ambition sur la planification de la sobriété foncière, qu’il convient de saluer. Une méthode relativement claire de mise en application de la loi « climat et résilience » est proposée. De plus, le document encourage à privilégier l’évitement et la réduction de l’artificialisation par rapport à la compensation. Il est à noter toutefois que la décision de maintenir le projet de contournement autoroutier d’Arles apparaît en dissonance avec l’ensemble des efforts de sobriété foncière auxquels aspire la Région dans le Sraddet. Les nouvelles pratiques de sobriété foncière, que les collectivités locales sont enjointes à mettre en œuvre, offrent une occasion historique d’inventer de nouveaux modèles d’aménagement à la hauteur des enjeux d’adaptation au changement climatique. Ces modèles, qui restent à imaginer, constituent un horizon de réflexion du Sraddet.
Avez-vous des remarques à formuler sur ce volet foncier ?
J’ai quatre principales remarques à formuler pour préciser la méthode et assurer la mise en œuvre effective d’une trajectoire de sobriété foncière dans notre région :
- la « bande littorale » est citée à plusieurs reprises comme un territoire qui concentre les enjeux fonciers régionaux, mais les principaux territoires à mettre en avant sont plutôt, à mon sens, l’espace rétro-littoral, le moyen pays régional et les périphéries des pôles urbains qui sont les principaux espaces de (sur)consommation foncière ;
- dans ce Sraddet modifié, la définition de la notion d’ « enveloppe urbaine » est ambigüe et n’exprime pas clairement l’idée que ce périmètre ne doit pas inclure l’habitat diffus. Cette ambiguïté risque de faciliter la possibilité de consommer du foncier, ainsi que son invisibilisation, en la faisant passer pour de la densification ;
- on comprend que la définition des droits fonciers attribués au secteur azuréen est complexe à planifier en raison du grand nombre de communes éligibles à la garantie communale et/ou soumise au règlement national d’urbanisme. On ne peut que recommander dans ce cas la sortie d’une logique comptable et la prise de responsabilité des acteurs locaux pour engager le territoire dans une trajectoire de sobriété foncière ;
- pour plus de clarté, il conviendrait d’encourager autant que possible une harmonisation du niveau de normativité du propos dans l’énoncé des objectifs et des règles.
En complément de ces remarques, dans l’avis adressé à la Région Sud, j’ai formulé avec Rémi Delattre, doctorant à l’UMR ESPACE, des commentaires plus précis sur le volet foncier du Sraddet modifié.
Pouvez-vous décliner des commentaires plus précis ?
Sans entrer dans le détail, voici quelques écueils à titre d’exemples. Les principes retenus pour la territorialisation des objectifs de réduction de la consommation foncière, sur la période 2021-2030, reposent sur une égalité de traitement des quatre grands espaces géographiques de la région (alpin, azuréen, provençal et rhodanien), alors que l’atteinte de l’objectif de sobriété foncière implique un niveau d’effort différencié selon les échelles territoriales et les intérêts collectifs.
Par ailleurs, dans le contexte actuel, le « bonus de 20 % de l’enveloppe foncière potentiellement consommable au bénéfice des centralités locales des espaces ruraux ou d’équilibre régional », en plus de la garantie 1 ha, nécessite un suivi au cas par cas. Je regrette que la loi ait différé la prise en compte des bâtiments agricoles dans la trajectoire, en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, à 2030.
De manière générale, en qualité de coprésidente du conseil scientifique, j’espère que la Région Sud sera à l’écoute des scientifiques qui ont suggéré des pistes d’amélioration, que soit pour la COP régionale ou le Sraddet.