L'avis du Conseil scientifique sur les transports
Yves Crozet

Professeur émérite à Sciences PO Lyon, membre du Laboratoire Aménagement Économie Transports (LAET-CNRS).
Ancien Secrétaire général de la Société de la conférence mondiale sur la recherche dans les transports (WCTRS).
Maire de Saint-Germain-la-Montagne et vice-président du SCoT du Roannais, il est en contact direct avec les problématiques territoriales
Les autres avis du Conseil scientifique
L'approche par bassins de mobilité, le point clé du Sraddet modifié
Selon vous, quel est le point clé du SRADDET modifié sur la mobilité ?
Outre la volonté de désartificialiser les sols (logistique) et de faire évoluer les usages de la route pour les flux de personnes (vélo, covoiturage…), le point clé, avec les contrats opérationnels, est le développement d’une approche par bassin de mobilité, en tenant compte des réalités de terrain. La Région, en qualité de chef de file de l’intermodalité, peut contribuer à l’émergence de nouvelles pratiques, d’où l’importance des ambitions affichées en termes de linéaires de voies cyclables, d’aménagement de voiries réservées au covoiturage, de services… Ce point clé soulève la question des voiries routières, de la coordination avec les départements et les communes, et des mutations liées aux nouveaux usages et à la sobriété, qui manque de développements. Sans ces transformations, le risque est de maintenir le statu quo.
Quelle est votre grille de lecture concernant les infrastructures, les trafics et les services ?
Justement, sur ces objets, ma crainte de statu quo domine. Pour renforcer l’attractivité et la fluidité des flux, les acteurs territoriaux ont l’habitude de réclamer plus d’investissements (plateformes aéroportuaires et autoroutières, aménagements routiers). Le cas des aménagements routiers en lieu et place de l’ex-A51 est emblématique. Le SRADDET modifié montre qu’il n’est plus question de demander une nouvelle autoroute. Mais, ici comme ailleurs, le SRADDET relève d’un jeu d’équilibriste entre les demandes locales de soutien des trafics et les ambitions régionales, nationales et européennes plus axées sur la sobriété et la décarbonation.
Pouvez-vous illustrer vos propos ?
Le trafic des grands aéroports de la région (Nice, Marseille) reste très dynamique. Dès 2023, suite à la Covid-19, il a retrouvé et même dépassé son niveau de 2019. La diversité de l’offre des compagnies aériennes explique ce dynamisme qui répond à une forte demande touristique et à l’importance des relations avec les pays méditerranéens. Mais que deviennent les ambitions de décarbonation ? La question vaut pour l’ensemble des flux touristiques, y compris les croisières. Le tourisme, plus particulièrement le tourisme haut de gamme, est une activité régionale importante. Il contribue à la croissance économique. Il faudrait clarifier la position de la Région en assumant, par exemple, le choix de maintenir cette dynamique de trafic au prix de contraintes.
Et concernant la circulation des marchandises ?
Le volontarisme ne manque pas en matière de développement du fret fluvial et ferroviaire, mais sa portée est limitée, dans la mesure où les flux stagnent ou diminuent. En même temps sont mentionnés le contournement d’Arles, l’autoroute Fos-Salon et d’autres aménagements et contournements routiers. Si tous devaient voir le jour, ce serait un encouragement au trafic routier, notamment de camions, lesquels assurent l’essentiel des flux entrants et sortants du Grand port maritime de Marseille. Là encore, Il faudrait plus clairement assumer ce choix, en soulignant, par exemple, que l’électrification des flottes de poids lourds exigera des investissements conséquents sur le réseau électrique.
Souhaitez-vous souligner des points de vigilance ?
Je voudrais en souligner deux :
- les Services express régionaux métropolitains sont absents. Les SERM sont certes en gestation et des incertitudes financières subsistent, mais la Région, avec ses contrats opérationnels, peut reprendre les éléments présents dans les 1ers articles de loi de décembre 2023, à savoir la complémentarité entre le rail et la route ;
- le projet de LGV est un choix majeur. La diamétralisation de la gare de Marseille en est l’étape clé, car elle renforcera l’offre des TER. Mais les financements restent incertains : la taxe de séjour ne suffira pas. Une éventuelle taxe supplémentaire sur les péages autoroutiers est avancée, mais il serait plus logique de réfléchir à l’avenir des péages autoroutiers en fin de concession.